Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/69

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bonne Mère ſ’eſt en-alée dans la chambre-du-four, où elle a-cogné ſes larmes ét eſſuyé les ïeus ; mais toute la journée ils ont-été rouges. I] faut que je te dise que ta Lettre m’a-tiré d’une grand’peine ! je craignais, malgré tout ce que tu m’as-dit, que cette Tiénnette ne te donnât dans l’œil, ét que tu n’alâs t’en-enmouracher. Qu’elle ſoit tout ce qu’elle voudra, elle ſert à la Ville, ét elle a-donné du chagrin à ſes Pére ét Mêre, qui ne ſavent ce qu’elle eſt-devenue ; ça n’eſt pas bién. Mais m.lle Manon, c’eſt different ! ét ſon amitié, ſi elle en-prend pour toi, pourrait te mener-loin ! que fait-on ?… J’ai-montré ta Lettre à notre Mère cet après-midi, ét ca l’a-unpeu-remise ; ét elle a-dit, qu’elle aimerait bién une aimable Bru comme ça ; car elle a-vu m.lle Manon à V★★★, quand tu y-fus avec nos Père ét Mère. Mais il faut être bién-honnête, ét ne point trop t’émanciper ; tu vois bién que m.r Parangon n’aimerait pas ça. Plus longtemps ne te ſaurais écrire, mon Edmond, malgré le contentement que j’y-rencontre ; car j’ai de l’orge à entâſſer, ét de la ſemence à preparer pour nos ſeigles, que nous emblaverons ces jours-ici. Adieu, mon Ami ; fais-moi toujours part de tes petites affaires ; ça me garantit de l’ennui de ton abſence. Toute la Famille t’embraſſe de tout ſon cœur ; mais Urſule ét moi, ainſi que Fanchon-Berthier, unpeu plûs-affectionnement encore ; car ça fait trois cœurs en-un pour toi.