Page:Réunion des sociétés des beaux-arts des départements, volume 27, 1903.djvu/700

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doit correspondre un séjour à terre — à Port-Louis vraisemblablement — séjour pendant lequel M. Montalent, constructeur, voulut s’attacher Garneray comme dessinateur. Dans ses Mémoires, où malheureusement la précision fait un peu défaut, il dit avoir refusé cet emploi pour reprendre la mer en qualité de lieutenant sur le Mathurin, navire marchand que les négociants de l’île de France envoyaient à Bombetoc[1] pour reconnaître le pays et tenter de conclure un traité de commerce.

Après les difficultés du voyage, et l’entrevue avec la reine, la Ranavalo d’alors, presque exclusivement occupée à frapper contre l’ongle « de son pouce la tête de sa pipe pour en faire tomber la cendre »[2], voici des détails sur les mœurs malgaches. La narration est amusante, mouvementée, et bien que le dossier officiel ne parle pas particulièrement de cette mission, ayons foi dans l’auteur et profitons-en sans scrupule.

Carvalho, l’interprète portugais, rencontre un indigène qu’il dit être son frère ; mais le type diffère étrangement et Garneray s’étonne : « Oh ! cet homme n’est mon frère, ni par mon père, ni par ma mère. — Et comment l’est-il donc alors ? — Il l’est par le sang, Seigneurie. — Ceci n’est pas clair. — C’est que vous n’êtes pas au courant des mœurs de Madagascar ; ici quand on veut devenir le frère de quelqu’un, on procède, en public, à une cérémonie qui vous donne légalement ce titre ; et cela à tel point que vous héritez de lui, même au préjudice de sa femme. Les deux hommes qui veulent s’unir par les liens de la fraternité se piquent tous les deux le bras, puis recueillent le sang qui en découle, ils le mêlent dans deux vases dont ils boivent le contenu en se tenant par la main… Tout est dit, on est devenu frères. »

Suit la description d’un combat de taureaux donné par le vice-roi de Mozangaïe, comme fête d’adieu aux officiers du Mathurin, combat, ou plutôt boucherie écœurante, suivie d’un repas homérique : « Cent feux s’allumèrent comme par enchantement, cent cuisines furent dressées en un clin d’œil au milieu de la plaine et sur les bords de la lagune. Des arbres entiers abattus et livrés à la flamme servirent à faire cuire les trente taureaux immolés pendant

  1. Province de Sakara, nord-ouest de Madagascar.
  2. La Revue de Rouen, 1834, t. IV, p. 43, contient un article de Garneray : La reine de Bombetoc.