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le combat. Quant aux moutons et aux pièces de gibier, on ne les considérait, au milieu de ce rôtissage fantastique, que comme de simples hors-d’œuvre. »

Après cette période un peu incertaine, nous reprenons pied sur les documents authentiques.

« La colonie étant dépourvue de navires de guerre, je fis successivement une course sur la Confiance, capitaine Robert Surcouf[1] ; ce fut cette course qui immortalisa son nom. Une autre sur l’Amphitrite, capitaine Malleroux. L’explosion de la corvette le Trinquemalay que nous abordions ayant fait couler le corsaire, je me sauvai à bord d’une de nos prises la Perle qui me ramena à l’Île de France[2]. »

Pourquoi ne pas citer des fragments de cet épisode ?

« Enivrés par le combat, par l’odeur de la poudre, par la haine pour l’Anglais, nous avons perdu le sentiment du danger et de la souffrance ; tout nous semble possible. On commence à s’égorger à travers les sabords, puis la lutte s’engage sur le gaillard d’avant du Trinquemalay. Les Anglais sont deux fois plus nombreux que nous ; ils se battent bravement ; mais que peuvent-ils contre la fureur qui nous anime ?…

« … Du milieu de cet affreux et sanglant pêle-mêle, de ce chaos hideux et sublime tout à la fois, on entend la voix retentissante de Maleroux qui domine les cris des blessés et des mourants. L’intrépide Breton a retroussé les manches de sa chemise jusqu’au coude et, chaque fois que sa hache s’abat, un Anglais tombe… Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’après quelques minutes de ce gigantesque carnage l’équipage de la corvette soit culbuté, débusqué de tout point et refoulé jusqu’au gaillard d’arrière… ils se précipitent les uns à la mer, les autres dans la batterie et nous laissent maîtres enfin de leur pont couvert de sang et de cadavres ? »

Le second veut que l’on égorge les Anglais qui, réfugiés dans la batterie, tirent à travers les écoutilles ; le capitaine s’oppose à cette cruauté et fait abattre les mantelets des sabords ; ils tirent à travers les mantelets !… bientôt le feu est à bord du Trinquemalay.

  1. Surcouf (Robert), 1773-1827. Né et mort à Saint-Malo.
  2. Lettre du 29 décembre 1845.