Page:Réunion des sociétés des beaux-arts des départements, volume 27, 1903.djvu/702

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« Capitaine, retournons sur l’Amphitrite et tâchons de nous éloigner de ce navire avant qu’il saute, dit Duverger (le second). — Sans sauver ces malheureux qui brûlent tout vivants sous nos pieds ? s’écrie Maleroux, cela est impossible ! — Au moment même où notre capitaine prend si généreusement la défense de nos ennemis, de nouveaux coups de fusil nous sont adressés à travers les écoutilles ; il faut que ces gens soient en proie au délire ! À présent voudrait-on les sauver qu’il est trop tard ; l’incendie augmente d’intensité avec une rapidité effrayante ; nous nous élançons, épouvantés pour la première fois… Nous sommes à peine rendus sur notre navire quand une explosion terrible, sans nom, dont on ne peut se faire une idée éclate, semblable à un volcan, le long de l’Amphitrite et nous enveloppe d’un nuage de feu, de fumée. Bientôt des débris humains, sanglants et noircis retombent sur notre pont et autour de nous ; ce sont les restes du Trinquemalay et de son équipage. L’Amphitrite disjointe va couler, les blessés se hissent aux parois. Les malheureux ! mais qu’ils ne craignent rien, leur sauvetage est la seule pensée de Maleroux »… Les canots, les chaloupes s’emplissent… « L’Amphitrite s’enfonce avec une vitesse si effrayante que nous sommes obligés de l’abandonner en laissant derrière nous quelques moribonds que la mer va sauver d’une douloureuse agonie… À peine la chaloupe qui porte le capitaine Maleroux est-elle éloignée de quelques brasses que notre pauvre capitaine, se rappelant qu’il a oublié d’emporter ses lettres d’expédition, ordonne que l’on rebrousse chemin. Le danger est grand, mais comment ne pas obéir ? »… L’embarcation accoste l’Amphitrite presque submergée, Maleroux saute dans sa cabine, saisit ses expéditions et remonte sur le pont. « Malheur ! au moment de mettre le pied dans la chaloupe notre infortuné capitaine sent un obstacle peser sur sa tête, c’est le filet casse-tête du gaillard d’arrière ! Sans perdre en rien son sang-froid, il essaie en vain de se dégager, on se précipite à son secours ; mais, efforts impuissants, l’Amphitrite s’enfonce au même moment en emportant et son digne commandant et la chaloupe dont l’équipage s’est dévoué en essayant de le sauver. »

Pour la première fois Garneray va parler un peu de lui, mais si peu… « Atteint de quelques éclaboussures, je fus forcé de me mettre au lit. » Et c’est tout !