Page:Réunion des sociétés des beaux-arts des départements, volume 27, 1903.djvu/703

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Il était original et brusque, ont dit ses contemporains ; nous ne saurions aujourd’hui contester l’assertion ; mais pour modeste, il l’était, on ne peut le nier ; et brave, ne l’était-il pas aussi ? Et la forme du récit, est-elle donc d’un indifférent, inaccessible aux sentiments du cœur ?

Dans son article : Première course de Surcouf sur « le Hasard[1] », il établit la distinction, généralement trop peu comprise, entre le franc coursier, corsaire légal, qui versait 50 pour 100 de ses prises dans les coffres de l’État, en retour de la permission qui lui était conférée de poursuivre et de capturer l’ennemi, et le corsaire forban, pillard pour son propre compte, en dehors de tout droit. Puis, dans ses Mémoires, nous ayant fait connaître le caractère de Surcouf, il conte ses ruses qui, avouons-le, ne nous semblent pas toutes de bonne guerre… mais nous ne sommes plus, grâce à Dieu, au temps des corsaires et vraiment saurions-nous apprécier leurs actes lorsque Garneray dit lui-même : « Je devrais, à présent, décrire quelques-uns des épisodes dont je fus témoin ; mais je sens que la force me manque. Les nombreuses années qui se sont écoulées depuis l’abordage du Kent en retirant à mon sang sa fougue et sa chaleur me montrent aujourd’hui sous un tout autre aspect les événements de mon passé. »

Après ces horribles scènes, après ce corps à corps sans pitié ni merci, voyons plutôt Surcouf esclave de sa parole, plein de générosité pour les vaincus et sourions à cette riposte : « Un capitaine anglais prétendait que les Français ne se battaient jamais que pour l’argent, tandis que les Anglais ne combattent que pour l’honneur et pour la gloire. — Eh bien, qu’est-ce que cela prouve, répondit Surcouf, sinon que nous combattons chacun pour ce qui nous manque ! »

Les documents officiels, pas plus que la lettre de Garneray, ne parlent de cette course sur le Hasard ; mais dans la France maritime[2] nous trouvons, accompagnant une gravure de Garneray : Abordage du Triton par le corsaire le Hasard, un article anonyme avec cette note : « Notre collaborateur, M. Louis Garneray, dont nous avons précédemment analysé les campagnes maritimes, était

  1. France maritime, t. I, p. 335.
  2. T. III, p. 250.