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article de la France maritime[1], résume bien cette vie mouvementée : « Excepté la piraterie, j’ai fait à peu près tous les genres de navigation ; excepté l’Amérique et la Nouvelle-Hollande, j’ai vu à peu près le monde entier. J’ai parlé plusieurs langues orientales et africaines, les accidents de mer ne m’ont pas manqué. J’en ai vu de toutes les sortes. »

C’est donc sur la Belle-Poule que Garneray fut fait prisonnier par les Anglais, le 14 mars 1806. À cette dure captivité sont dus : Mes Pontons. — Neuf Années en Angleterre, illustrés par l’auteur et Janet-Lange[2].

De Portsmouth, Garneray fut transféré le 15 mai 1806 sur le ponton le Protée :

« Mon imagination soulevait les épaisses murailles de bois, me montrait les visages flétris et désolés des infortunés qu’il renfermait dans son sein ; mais, hélas, mon imagination était bien loin encore, comme je pus m’en convaincre quelques minutes plus tard, d’atteindre à la hauteur de la réalité. Aucune description, quelle qu’en soit l’énergie ; aucune plume, quelle qu’en soit la puissance, ne sauraient rendre le spectacle qui s’offrit tout à coup à mes regards. Que l’on se figure une génération de morts, sortant un moment de leurs tombes, les yeux caves, le teint hâve et terreux, le dos voûté, la barbe inculte, à peine recouverts de haillons jaunes en lambeaux, le corps d’une maigreur effrayante, et l’on n’aura encore qu’une idée bien affaiblie et bien incomplète de l’aspect que présentaient mes compagnons d’infortune. »

La cloison qui existait entre le logement des Anglais et celui des captifs était garnie de clous à large tête, lassés les uns contre les autres. Dans cet espace d’environ 30 pieds sur 40 étaient empilés près de 700 prisonniers qui, mourant de faim, trafiquaient de tout et, pour deux sous, c’est-à-dire pour un morceau de pain de plus, vendaient ou une guenille ou quelques centimètres de leur place — si affreusement réduite pourtant — et jusqu’aux choses les plus indispensables.

Dans le tome Ier de l’Histoire du sergent Flavigny ou Dix Ans de captivité sur les pontons anglais, deux petits volumes publiés

  1. T. III, p. 146.
  2. Janet-Lange (Antoine-Louis), 1816-1872. Élève d’Ingres et d’Horace Vernet.