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connu. Smith, un marchand de tableaux de Portsmouth, lui fait des commandes et les affreux pontons deviennent un séjour « très acceptable ».

À la première partie des Mémoires de Garneray : Voyages et Aventures, on peut reprocher de contenir trop de détails, trop de dialogues, pas assez de récit, ce qui donne une tournure languissante, quelque peu vulgaire, quelque peu enfantine ; dans Mes Pontons ce défaut s’est fort atténué ; la relation est plus serrée ; souvent encore la phrase est mal coupée par l’incidente, mais le style est moins naïf, bien que toujours agréablement simple ; maintes réflexions judicieuses s’y rencontrent et le tout se lit vivement, sans lassitude ; on se trouve à la fin sans y avoir songé.

Rien de pittoresque comme la représentation à bord de la Vengeance et l’évasion du jeune prisonnier qui, ayant joué un rôle de femme dans la Fiancée du corsaire, a fait la conquête d’un capitaine anglais et, grâce à la spirituelle intervention de Garneray, est emmené hors du ponton par le vieil amoureux tout fier de sa bonne fortune !… le lendemain était redoutable, mais le barbon n’a garde de dévoiler sa mésaventure ridicule et l’évasion reste heureusement incompréhensible pour les geôliers.

Notre vaillant artiste fut retenu sur la Vengeance jusqu’à la fin de 1811. À cette époque, Smith, qui l’aimait, ayant su profiter de l’influence d’un colonel, ancien compagnon de Garneray, obtint qu’il serait transféré sur le Cautionnement de Bishop Watham, prison sur parole où les prisonniers jouissaient d’un semblant de liberté. Il y passa quelques mois comparativement heureux. Une injustice révoltante le décida à s’évader ; il y réussit ; mais, la vie au soleil étant encore trop dangereuse, il dût rester caché une année entière chez le bon Smith.

Au printemps de 1813, pourtant, il croit avoir trouvé l’occasion de rentrer en France ; déjà il est en vue de Cherbourg lorsque, trahi par les contrebandiers qui le conduisaient, il est repris par les Anglais et réintégré sur la Vengeance où l’existence, sans plus aucun privilège, lui fut désormais aussi dure que possible.

La paix le délivra enfin et, le 18 mai 1814, le ramena dans sa patrie après vingt ans d’absence[1]

  1. État nominatif des prisonniers français débarqués à Cherbourg, le 18 mai 1814,