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Passant à Saint-Malo en 1823, Garneray revit Robert Surcouf qui, marié, s’était fait armateur. « Il n’était plus marin de mer, mais marin de terre. Lorsque je fus le voir il était à son comptoir. Je le trouvai un peu grossi, un peu bouffi ; mais il avait toujours son regard d’aigle. Il y avait vingt et un ans que nous ne nous étions vus ». Surcouf avait donc quarante-huit ans. — « Voulez-vous m’inviter à déjeuner ? lui dis-je en l’abordant. — Pourquoi non, répondit-il, mais je ne vous connais pas. — Nous ferons connaissance en déjeunant ! » Le déjeuner fut gai, la reconnaissance lui fit autant de plaisir qu’à moi. Nous parlâmes de notre passé ; il se moqua de ma peinture, m’appela poule mouillée et me conseilla de naviguer ! Je lui conseillai d’en faire autant. Il soupira. »

Plusieurs fois Surcouf réunit chez lui Garneray, Jouy et d’anciens compagnons d’aventures ; on causa, chacun racontait ses souvenirs d’enfance ou de jeunesse[1]. Tout cela fournit à notre artiste des pages charmantes[2].

C’est à Louis Garneray que le gouvernement donna mission de représenter le combat de Navarin, qui eut lieu le 20 septembre 1827. Ce tableau, dont l’esquisse se trouve au Musée naval et qui plus tard fut gravé par Jazet[3], puis par l’auteur lui-même, ne fut exposé au Salon qu’en 1831 ; mais en 1829 Rouen en eut la primeur.

Le journal de cette ville du 14 juillet l’annonça par cette phrase typique : « Le tableau de la Bataille de Navarin, par M. Garneray, est visible à partir d’aujourd’hui chez M. Lemire-Barraquin, quai aux Huîtres, près la rue des Iroquois, en face de la calle d’arrivée des bateaux à vapeur », et le lendemain inséra un article des plus favorables. Enfin le 18, c’est Hyacinthe Langlois qui écrit :

« Lorsque M. Garneray, un de nos plus habiles peintres de marines, reçut la mission de recueillir sur les lieux mêmes les documents historiques, les matériaux pittoresques relatifs à cette

  1. Le dossier officiel du ministère de la marine contient une lettre — datée de Bel-Air Saint-Servan, 12 octobre 1841 — du fils de Surcouf à Garneray. Celui-ci s’était offert pour écrire la vie du célèbre corsaire. Il y est vivement remercié de sa proposition, mais l’acceptation en est ajournée.
  2. Scènes maritimes, t. II, p. 6 et suiv
  3. Jazet (Jean-Pierre-Marie), 1788-1871. graveur. Neveu de Debucourt. Il grava plus de vingt-cinq œuvres de L. Garneray.