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qui préside aux migrations des peuples ne déplace point l’équilibre au profit de la race la plus féconde et la plus septentrionale[1]. »

On le voit, la place n’est pas à la veille de manquer à l’expansion de la race franco-canadienne, celle-ci devînt-elle plus nombreuse que la postérité d’Abraham. Elle se trouve donc, à ce point de vue, dans des conditions d’avenir particulièrement favorables.

Mais si le développement de la race française dans l’Amérique du Nord ne saurait, de longtemps, être gêné par le manque d’espace ou l’insuffisante étendue de l’aire cultivable, ne pourrait-il être entravé par des obstacles tenant à la politique ? Battue dans des guerres d’invasion, conquise, administrée par ses vainqueurs, une nation risque bien, — témoin la Gaule d’autrefois, témoin l’Irlande dans les temps modernes, — de perdre avec son indépendance, sa langue et son caractère distinctif ; ou si, comme la Pologne morcelée, comme la Bohême pressée sur ses flancs par les Tudesques, elle sait maintenir les traits caractéristiques de sa race, elle s’alanguit, s’étiole et souffre sous le joug et sous la pression des étrangers.

Mais, à ce point de vue encore, les Canadiens français ont cette bonne fortune de n’avoir, autant qu’on en peut juger, rien à craindre des entreprises de leurs voisins. Si les Gaulois ont perdu leur langue au contact de la civilisation romaine, c’est que leur langue était l’instrument plus ou moins fruste de la pensée à peine éveillée d’un peuple barbare. Encore la vieille langue des Kymro-Celtes s’est-elle perpétuée, à tra-

  1. Cinq mois chez les Français d’Amérique, p. 335.