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chacun travaille pour tous et tous pour chacun. Ainsi, nous mériterons que « Dieu protège la France » et nous pourrons de nouveau, suivant le mot du poète,

Goûter les longs espoirs et les vastes pensers.

Au premier rang de ces « vastes pensers » que nous permet le sentiment de nos forces restaurées et de notre énergie renaissante, il faut ranger la légitime ambition d’une plus grande expansion coloniale. L’un des signes les plus frappants et les plus remarquables du réveil de la France a sûrement été la faveur, à certains égards, nouvelle, que trouvent depuis quelques années chez nous les projets et les entreprises de colonisation. Jamais l’esprit colonisateur, — cet esprit qu’on a refusé aux Français sur des apparences en effet spécieuses (mais c’est un procès à instruire de nouveau) — n’a reçu une plus vigoureuse impulsion, n’a pris un plus haut essor que depuis ces dix dernières années. Il semble que le pays, voyant se dresser, sur sa frontière du nord-est, comme un mur de fer qu’il se sentait incapable, au moins pour un temps, de franchir, ait regardé aux autres points de l’horizon pour voir de quel côté pourraient s’ouvrir des perspectives et se présenter des débouchés pour son activité et pour ses pacifiques conquêtes.

L’Algérie a reçu, dans ces douze années, plus de colons qu’il ne lui en était venu pendant les quarante premières années écoulées depuis la conquête. En 1841, il n’y avait encore dans toute l’Algérie que 87,000 colons européens ; on en comptait 218,000 en 1866. Le nombre en était de 345,000 en 1876, dont 189,000 français. Au recensement de 1882, il s’est trouvé de 460,000, dont 270,000 français. Sous la pression des intérêts nouveaux créés par cette population, le gouvernement militaire a été remplacé par le gouvernement civil, et les Algériens ont maintenant, comme les Français de ce côté de la Méditerranée, leurs députés et leurs séna-