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ni faulx, ni faucilles, ni couteaux, ni fer en ce pays, ni haches, ni chaudières pour les sauvages, ni sel pour l’habitant[1]. »

La nécessité rend industrieux ; les Acadiens se chargèrent de prouver une fois de plus la justesse de cet adage. À part les métaux en barre et confectionnés, les armes et les munitions, le sel, le vin et l’eau-de-vie, leur ingénieuse activité suppléait à peu près à tout le reste. Il faut là-dessus entendre encore Diéreville qui mêle ici la poésie à la prose :

« Les habitants, écrit-il, ne laissent pas d’y être contents, d’autant qu’on n’y parle ni d’impôts ni de tailles :

    Sans avoir appris de métier,
    Ils sont en tout bons ouvriers ;
De leur laine ils se font habits, bonnets et bas,
Ne se distinguent point par de nouvelles modes ;
    Ils portent toujours des capots
Et se font des souliers toujours plats et commodes
De peaux de loups marins et de peaux d’orignaux ;
De leur lin, ils se font encore de la toile ;
    À voir seulement un modèle,
Ils trouvent tout aisé pour l’exécution ;
C’est comme faire un vers à moi quand j’ai la rime !…

« Sauf les asperges et les artichauts, ils ont toutes sortes de légumes, et tous excellents ; ils ont des champs couverts de choux pommés et de navets, qu’ils conservent toute l’année… Les choux restent dans les champs la tête renversée, et la neige les couvre qui les conserve. On fait de plantureuses soupes avec ces deux légumes et de grosses pièces de lard ; ils font surtout beaucoup de choux, car les cochons en mangent

  1. Archives de la marine. Lettre du 23 décembre 1707.