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HISTOIRE DU CANADA

Ramesay, du triste roi et des tristes ministres qui, la Pompadour regnante, signèrent, au traité de Paris de 1763, l’abandon du Canada et la honte de la France ?... Les descendants des soixante mille Canadiens, de pure race française, que nous abandonnions ainsi au bon plaisir des Anglais, ne se sont pas, grâce à Dieu, abandonnés eux-mêmes. Ils ont lutté, cent ans durant, pour reconquérir leur indépendance politique et nationale. Ils l’ont enfin, surtout depuis 1867, conquise de fait, sinon encore de titre. L’Angleterre n’exerce plus depuis lors au Canada qu’une suzeraineté purement nominale et qui même le devient de moins en moins tous les jours. En fait, les Canadiens français sont un peuple, qui s’administre comme il l’entend, dont la langue a rang de langue officielle au Parlement de la Confédération canadienne, comme le français dans la Confédération suisse. Dans le Bas Canada, qui forme une province (la province de Québec), presque aussi grande, à elle seule, au point de vue territorial, que la France entière, le français est la langue de l’immense majorité de la population. Enfin, les 60,000 Français du temps de la conquête anglaise sont devenus la souche de deux millions d’hommes environ, dont les trois cinquièmes sont fixés au Canada et le reste est disséminé dans les États-Unis, tous entretenant avec un soin jaloux les souvenirs, le culte pourrait-on dire, de leur origine française.

On nous reproche là bas, — les descendants de ces braves, — de ne pas savoir cette histoire, d’avoir oublié les grands noms des preux qui fondèrent et de ceux qui défendirent si longtemps contre les Anglais la « Nouvelle France » d’Amérique. On nous reproche d’ignorer les efforts faits, depuis 1763, par nos frères séparés, pour maintenir contre l’invasion anglo-saxonue, leurs traditions, leur langue, leur nationalité : d’ignorer le puissant développement de ce rejeton de notre race aussi fécond là-bas que notre vieux tronc