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un long temps pour se procurer une marine redoutable[1]. »

Au surplus, les éléments semblèrent, à ce moment, s’être conjurés contre nous. Une grande expédition navale, commandée par le duc d’Anville et composée de onze vaisseaux et trente bâtiments de transport chargés de 11,000 hommes — le plus grand effort que la France eût encore fait pour ses colonies — fut assaillie par des tempêtes et des épidémies, traversée par mille contre-temps, dispersée des côtes d’Acadie aux Antilles, finalement réduite à rien, sans avoir pu exécuter une seule partie de son vaste plan qui était de reprendre Louisbourg, de reconquérir l’Acadie, de détruire Boston et de ravager les côtes de la Nouvelle-Angleterre (1746). Les Puritains d’Amérique crurent voir dans leur succès de Louisbourg et dans les désastres de notre flotte une marque visible de la protection de la Providence à leur endroit, et ils bénirent le Dieu de leurs pères qui avait détourné d’eux un orage si redoutable. Et il faut bien dire, quoiqu’il en puisse coûter à notre patriotisme de Français, que si l’austérité et la probité des mœurs sont, dans la balance des arrêts divins, un des poids qui inclinent vers le succès, les colonies puritaines du Massachussets et du Connecticut, « le petit bataillon de Gédéon » comme les appelaient leurs ministres, méritaient de vaincre « les Madianites », le roi corrompu du Parc-aux-Cerfs, les forbans et les maltôliers de Louisbourg.

Un nouvel armement fut préparé l’année suivante (1747). Le marquis de la Jonquière reçut le comman-

  1. Voltaire, Siècle de Louis XV, chap. 28.