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colonies anglaises devenues les États-Unis d’Amérique. C’est la destinée des peuples comme des individus que devenus grands, « ils quitteront leur père et leur mère ». Mais qu’importe ? C’eût été toujours la France avec sa langue, instrument si parfait, et si précis de la pensée, de la philosophie, du droit, des belles-lettres, la France avec une religion peut-être et une civilisation supérieures, la France avec son grand cœur, tutrice bienveillante et non destructrice de la race américaine, de la race rouge, la France, qui ne se fût jamais accomodée d’une législation esclavagiste, une France fille de la nôtre et qui eût probablement mieux valu que l’ancienne.

C’est là ce que ne comprit jamais Voltaire qui s’accommoda si aisément de la perte des « glaces » du Canada. C’est ce que ne comprirent ni Bernis, ni Choiseul, ni les autres ministres de cette triste cour de Louis XV. Ils se consolèrent peut-être avec la pensée « que les colonies anglaises, animées par la victoire, et n’étant plus contenues par la crainte des Français et le besoin d’un appui », se révolteraient bientôt contre leur métropole et contre les gênes qui étouffaient leur commerce et leur industrie. « Mais, remarque justement M. Laboulaye[1], si ce fut la pensée qui décida M. de Choiseul à signer l’abandon du Canada, quelle fausse et médiocre politique ! Sans doute il était bien de prévoir que les colonies, en grandissant, se détacheraient de l’Angleterre et briseraient un jour sa toute-puissance maritime ; mais ce qu’il était

  1. Article sur le 1er vol. de l’Histoire de la révolution américaine, de Bancroft, inséré dans le Journal des Débats du 28 mai 1852.