Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/269

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généreux et bouillant ne valent pas, pour les succès définitifs, durables, les qualités plus modestes de la persévérance, de la suite dans les entreprises, de la ténacité au travail, de l’opiniâtreté dans l’effort !

Il est bien évident, pour qui relit ces annales des colonies anglaises et françaises sur le sol du Nouveau-Monde que la France, ayant mis pied sur ce continent avant l’Angleterre, à qui elle était d’ailleurs fort supérieure, il y a trois siècles, en puissance, eût pu gagner la partie dans cette bataille où se décidait probablement cette question capitale de savoir à laquelle des branches de la famille humaine appartiendra la suprématie de l’univers. Que lui eût-il fallu pour cela ? Entretenir avec soin sa marine militaire et marchande de façon à pouvoir défier sur mer toute puissance rivale ; favoriser le mouvement de colonisation qui se serait volontiers porté vers l’Amérique française, surtout pendant l’ère des persécutions religieuses ; accueillir les huguenots au lieu de les pourchasser et de les tuer ; en dernier lieu et quand il ne fut plus possible d’éviter la lutte avec les Anglais, soutenir au moins par des secours moins insuffisants les généraux qui conduisaient cette lutte, tâcher de reprendre l’avance perdue et établir à titre de colons sur les bords du Mississipi et de l’Ohio ces milliers d’hommes qu’on envoyait périr chaque année dans les guerres de Hollande ou d’Allemagne, employer là les millions engloutis dans les constructions dispendieuses de Versailles ou, plus tard, dans les orgies du Parc-aux-Cerfs.

Il est bien possible que cette Nouvelle-France ainsi fondée au delà des mers se serait un jour séparée de sa mère-patrie, comme le firent vingt ans plus tard les