Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/286

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pour s’y fixer. Un grand nombre cependant voulurent pousser jusqu’au bout ce triste pélerinage ; ils désiraient revoir le fertile bassin des Mines et la riante vallée de Port-Royal. Sur cent trente familles de proscrits qui se trouvaient réunies à Memerancouque, soixante-dix reprirent donc le cours de leur exode, passèrent l’isthme et tournèrent le fond de la baie Française. Peut-être eussent-ils mieux fait de rester à Memerancouque ! Ils trouvèrent leurs patrimoines, les champs des vieux compagnons de Poutrincourt, de d’Aulnay, de Bourgeois, de Jean Terriau, ils les trouvèrent confisqués, défigurés, distribués en des mains ennemies, qu’inquiétait leur présence. Repoussés de partout, et ayant successivement dépassé Cobeguit, la seigneurie de Mathieu Martin, la Grand’-Prée, toutes les rivières des Mines et leur vieux Port-Royal devenu « Annapolis », ils durent à l’aumône du gouvernement anglais l’abandon de quelques grèves désertes, sur la baie Sainte-Marie, où ils purent enfin, tristes et découragés, se reposer de ce lugubre voyage. Là ils furent rejoints par quelques-uns de leurs compatriotes, qui subsistaient encore dans les bois de l’intérieur, derniers survivants de ceux qui s’étaient échappés de Port-Royal en 1755. Tous ensemble se remirent au travail et se rattachèrent à ces dernières espérances qui renaissent même du désespoir ; ils y firent souche et sont devenus l’origine des paroisses acadiennes de Sainte-Marie, Metegan, Saint-Vincent-de-Paul, la Rivière-aux-Anguilles, Pobomcoup, etc., etc., dans les districts de Clare et du Cap-Fourchu (Yarmouth)[1]. »

  1. Rameau. Une Colonie féodale, pp. 359 et 360.