Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/339

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suspendue, et l’ordre fut donné à tous les juges de paix, à tous les capitaines de milice d’arrêter quiconque chercherait, par intrigues ou par discours, à troubler la tranquillité publique. De braves cultivateurs qui se plaignaient des nouvelles lois sur les chemins furent inquiétés. Un Américain enthousiaste, Mac Lane, qui avait pris au sérieux les craintes du gouvernement anglais, et qui croyait les Canadiens français tout prêts à s’insurger, vint à Québec et se fit passer pour un général français ayant mandat de l’ambassadeur de France aux États-Unis. Ce malheureux fut livré traîtreusement par son hôte, un sieur Black, et pendu, sur un jugement sommaire, comme coupable du crime de haute trahison. Le corps, détaché du gibet, fut livré au bourreau qui lui trancha la tête, la prit par les cheveux et la montra au peuple, en disant : « Voici la tête du traître. » Il ouvrit ensuite le cadavre, en arracha les entrailles, les brûla, et fit des incisions aux quatre membres, sans les séparer du tronc. Jamais pareil spectacle ne s’était encore vu au Canada. L’objet de ces hideuses barbaries était de frapper de terreur l’imagination populaire ; mais elles dépassèrent le but et ne servirent qu’à mieux montrer l’instabilité et les craintes des autorités anglaises.

Les gouverneurs se succédaient assez rapidement dans la colonie sans qu’aucun d’eux réussît à combler le fossé qui séparait toujours Canadiens français et Canadiens anglais, fossé que ces derniers étaient d’ailleurs les premiers à creuser, en circonvenant tous les nouveaux fonctionnaires et en leur persuadant que les Canadiens d’origine française passaient leur vie à des complots contre la couronne et les institutions britan-