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exactement[1], exerce au point de vue spirituel une autorité indiscutée et presque sans limites. « Les habitants du Canada ont pour les prêtres le même respect qu’au temps de Louis XIII », écrivait M. X. Marmier il y a trente ans ; cela n’a guère changé depuis lors.

Heureux encore si ce clergé si révéré bornait son ambition et son zèle au rôle de « guide des familles » et « d’arbitre des dissensions domestiques ! » Par malheur, il prétend aussi, — et plus qu’il ne faudrait sans doute pour le bien du pays et pour le maintien de sa propre influence dans l’avenir — être le guide de la province et l’arbitre des élections politiques. Non content d’avoir, dans toutes (ou presque toutes) les écoles canadiennes-françaises de tous les degrés, la haute direction de l’enseignement, il exerce en fait et se prétend en droit d’exercer toujours plus le contrôle d’une sorte de haute police sur toutes les manifestations de la vie sociale et sur les publications de la presse périodique comme sur les comices électoraux et sur le choix des députés. Malheur au candidat « libéral » qui exprime le timide désir que le prêtre ne fasse pas de politique du haut de la chaire ! Il court grand risque de mordre la poussière dans la lice électorale. Malheur au journaliste qui n’accepte pas dévotement le mot d’ordre de cet intolérant cléricalisme ! Il est bientôt dénoncé comme hérétique, non seulement dans les confessionnaux, mais dans les chaires, et l’infortuné n’a plus qu’à faire bien vite amende honorable, s’il veut conserver quelques abonnés. Jusqu’à 1879, aucun organe libéral de langue française n’avait pu vivre au Canada. L’Avenir, le

  1. La dîme au Canada est le vingt-sixième de toute espèce de récolte ; elle frappe donc exclusivement les cultivateurs.