âmes à Jésus-Christ, mettant un nombre certain pour un incertain. Ce bon Père faisant peu de cas de ce nombre, dit là-dessus par admiration : N’y a-t-il que cela ? comme si ce n’étoit pas un sujet assez grand pour employer un homme !… »
En suivant cette histoire, nous retrouverons bientôt
ces mêmes Pères Jésuites fort occupés de la Nouvelle-France,
mais beaucoup moins, semble-t-il, pour convertir à la
foi chrétienne les âmes des sauvages, que
pour frustrer Mons et Poutrincourt des concessions de
terres qui leur avaient été accordées et se les faire
adjuger à eux-mêmes sous le couvert d’une dame de
qualité, la marquise de Guercheville, fort dévote et
très accréditée à la cour de Marie de Médicis. C’est
là un chapitre curieux des gestes de la trop célèbre
Compagnie, qu’on peut trouver tout au long dans l’histoire
de Lescarbot.
Le Jonas arriva à Port-Royal le 28 juillet, y ramenant, avec l’abondance, l’entrain et le courage qui avaient un moment tout à fait abandonné la petite colonie. Dès le lendemain, on commença à ouvrir la terre pour la préparer aux semailles d’automne. En homme de sens, Poutrincourt avait compris dès l’abord la vanité des calculs que tant d’autres fondaient sur les mines et sur les trésors métalliques du Nouveau-Monde ; les pêcheries et les fourrures ne lui parurent même qu’une ressource incidente ; il visa tout de suite à fonder un établissement agricole, appuyé sur une population laborieuse et sédentaire. Ce pays, presque inhabité — car les tribus indiennes étaient fort disséminées et peu nombreuses, — ces rivages fertiles, ces lais de mer, ces polders d’une exploitation facile et ces