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français dans les deux volumes. » N’est-ce pas Balzac encore qui donnait ainsi la férule à Alfred de Musset : « M. de Musset est un écrivain trop remarquable pour qu’on ne lui dise pas que fut ne se trouve à aucun temps du verbe aller. Il fait aussi la faute de aussi pour si : aussi veut une comparaison… » Et ce juge si sévère d’autrui ne confessait-il pas lui-même sa propre faillibilité quand il écrivait à son éditeur : « Mon cher Desnoyers, quant aux fautes de français qui nous échappent à tous en général et à moi en particulier, — car plus on écrit et plus on a de chance pour en faire, — il ne faut pas avoir de doutes sur la nécessité où vous êtes de les enlever[1]. »

Pour en revenir au Canada, nous devons être bons princes aussi pour certains idiotismes qui tirent leur légitimité de ce qu’ils désignent des êtres ou des objets propres au pays et qui souvent n’ont pas, dans notre langue, d’équivalents exacts. Les Canadiens distinguent, par exemple, la patate (pomme de terre douce) de la pomme de terre ordinaire. Les tourbillons de poussière de neige que soulève le vent d’hiver, par un phénomène très commun dans ces contrées, s’appellent poudrin aux îles Saint-Pierre et Miquelon, et poudrerie au Canada. On appelle battures les glaces stationnaires sur les bancs de sable ou les roches à fleur d’eau ; bordages, les glaces qui se forment sur le bord des rivières en hiver. Les mêmes circonstances fréquemment renouvelées, jointes

  1. L’auteur du Cousin Pons et des Parents pauvres avait plus raison qu’il ne pensait, car c’est par centaines qu’on pourrait relever les incorrections dans ses ouvrages. Un écrivain canadien, M. Maximilien Bibaud, a fait ce travail pour quelques-uns de ses romans. Il a trouvé dans la Vieille fille : « … Tant elle craignait de laisser apercevoir dans son regard le sentiment qui la poignait. — L’abbé de Sponde avait sourdement moyenné ce mariage. — Cette pensée lui becqueta bien le cœur. — Consulte donc avec lui sur ce qu’il faut faire. — Dubousquet, ce grossier républicain, animé par une volonté drue. » Dans la Fille d’Ève : — « Jamais une des femmes qui souhaitait quelque malheur à Vendenesse, ne faillait à lui répondre. — Sa robe de voyage en stoff commun ». etc.