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mandant catholique pour conduire ses vaisseaux. Le P. Noyrot, procureur des missions de l’ordre, le P. Garou, le P. de Noue, un autre encore, passèrent au Canada, avec vingt hommes engagés à leur service. En 1627, le P. Noyrot, rentré en France, fit fréter un autre navire pour porter de nouveaux secours à la mission. De Caën prit ombrage de cet armement, et comme il avait à se plaindre du procureur des jésuites, il fit arrêter le vaisseau pendant qu’il était encore à l’ancre. Les jésuites poussèrent les hauts cris, firent jouer les influences qu’ils possédaient à la cour, et exploitèrent habilement les haines qu’ils avaient su attirer contre les protestants et qui, à ce moment même, allaient se décharger dans l’expédition contre La Rochelle[1].

  1. Écoutons Michelet (Hist. de France), tome XIII, p. 285 :

    « Il est fort intéressant de voir l’art persévérant, ingénieux et varié dont ces pères, depuis 1610, travaillaient les protestants. Ils n’y employaient plus la pointe, comme en l’autre siècle, mais plutôt le tranchant du fer, un tranchant mal affilé qu’ils promenèrent, douze ans durant, à la gorge des victimes, voulant préalablement terrifier, démoraliser, abêtir et désespérer, mais lentement égorgiller, saigner d’un petit coutelet. Et les excellents bouchers ne mirent le fer dans le cœur que quand le patient, déjà affaibli, défaillait et tournait les yeux.

    « Les protestants étaient l’objet d’une antipathie croissante. Ils faisaient tache en ce temps d’une France toute nouvelle. Ils avaient l’air d’une ombre arriérée du XVIe siècle. Ils étaient tristes et peu galants, faisant exception à la loi générale du XVIIe siècle : l’universalité de l’adultère, aux mœurs loyales où chacun se pique de tromper son intime ami.

    « Autre défaut. Seuls, ils gardaient quelque esprit public, un reste d’attachement pour le gouvernement collectif, le gouvernement de soi par soi (self government). La France, qui avait abdiqué, s’ennuyait de les voir encore attachés à ces vieilleries. Elle ne voulait plus qu’un bon maître.

    « Troisième défaut. Les protestants avaient le tort de voir clair,