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chapitre xxviii.

les Diables, ſont par les vallées. En veulx tu veoir l’experience ? Va on pays de Souiſſe : & conſydere le lac de VVunderberlich à quatre lieues de Berne, tirant vers Sion. Tu me reproches mon poil griſonnant, & ne conſydere poinct comment il eſt de la nature des pourreaux, es quelz nous voyons la teſte blanche, & la queue verde droicte & viguoureuſe. Vray eſt que en moy ie recongnois quelque ſigne indicatif de vieilleſſe. Ie diz verde vieilleſſe : ne le diz à perſonne. Il demeurera ſecret entre nous deux. C’eſt que ie trouue le vin meilleur & plus à mon gouſt ſauoureux, que ne ſoulois : plus que ne ſoulois, ie crains la rencontre du mauuais vin. Note que cela argüe ie ne ſçay quoy du ponent, & ſignifie que le midy eſt paſſé. Mais quoy ? Gentil compaignon touſiours, autant ou plus que iamais. Ie ne crains pas cela, de par le Diable. Ce n’eſt là où me deult. le crains que par quelque longue abſence de noſtre roy Pantagruel, au quel force eſt que ie face compaignie, voire allaſt il à tous les Diables, ma femme me face coqu. Voy là le mot peremptoire. Car tous ceulx à qui i’en ay parlé, me en menaſſent. Et afferment qu’il me eſt ainſi prædeſtiné des cieulx. Il n’eſt (reſpondit frere Ian) coqu, qui veult[1]. Si tu es coqu, ergò ta femme ſera belle : ergò tu ſeras bien traicté d’elle : ergò tu auras des amis beaucoup : ergò tu ſeras ſaulué. Ce ſont Topicques monachales. Tu ne en vauldras que mieulx, pecheur. Tu ne feuz iamais ſi aiſe. Tu n’y trouueras rien moins. Ton bien acroiſtra d’aduentaige. S’il eſt ainſi prædeſtiné, y vouldrois tu contreuenir ? diz, Couillon flatry[2], C. moiſy.


c. rouy.

c. poitry d’eaue froyde.



c. chaumeny.

c. pendillant.


  1. Il n’eſt… coqu, qui veult. Des Périers (Nouvelle 5), citant ce discours de mémoire, l’attribue à Pantagruel : « Et bien, s’elle vous fait cocu après, le plaiſir vous demeure touſiours, ie ne dis pas d’eſtre cocu, ie dis de l’auoir depucelée. Et puis vous auez mille faueurs, mille auantages, à cauſe d’elle. » — La Fontaine a énuméré ces nombreux avantages dans son conte de La Coupe enchantée.
  2. Couillon flatry. Dans l’édition de 1546, cette liste est sur trois colonnes. Voyez ce que nous avons dit, p. 246, note sur la l. 12 de la p. 128.* La liste de 1546 contient un certain nombre d’épithètes qui ne figurent pas ici, mais que nous aurons soin de recueillir dans le Glossaire.

    * Couillon mignon. L’espèce de litanie, ou plutôt de blason, qui commence ici n’est pas sans analogie avec le blason de Triboulet fait par Pantagruel et Panurge (t. II, p. 181). Burgaud des Marets a cru qu’il existait de grandes différences, quant à l’ordre des mots do cette liste, entre la première édition où elle est imprimée sur trois colonnes, et celle de 1552, que nous avons suivie et où elle l’est sur deux. Cet ordre est cependant absolument le même ; mais il faut avoir soin de lire ligne à ligne et non colonne à colonne, de sorte que si l’on réimprimait ceci en un texte suivi il faudrait mettre : Couillon mignon, Couillon moignon, c. de renom, c. pâté, c. naté, etc.