Continuation des reſponſes de Trouillogan
philoſophe Ephectique & Pyrrhonien.
Chapitre XXXVI.
ovs dictez d’orgues, reſpondit Panurge. Mais ie croy que ie ſuis deſcendu on puiz tenebreux, onquel diſoit Heraclytus[1] eſtre Verité cachée. Ie ne voy goutte : ie n’entends rien : ie ſens mes ſens tous hebetez. Et doubte grandement que ie ſoye charmé. Ie parleray d’aultre ſtyle. Noſtre feal, ne bougez. N’embourſez rien. Muons de chanſe, & parlons ſans diſiunctiues. Ces membres mal ioinctz vous faſchent, à ce que ie voy. Or çà, de par Dieu. Me doibz ie marier ?
trovillogan. Il y a de l’apparence.
panvrge. Et ſi ie ne me marie poinct ? trov. Ie n’y voy inconuenient aulcun. panvr. Vous n’y en voyez poinct ? tro. Nul, ou la veue me deçoit. pan. Ie y en trouue plus de cinq cens. tro. Comptez les.
pan. Ie diz improprement parlant : & prenent nombre certain pour incertain : determiné, pour indeterminé. C’eſt à dire beaucoup.
trovil. I’eſcoute.
panvr. Ie ne peuz me paſſer de femme, de par tous les diables.
trovil. Houſtez ces villaines beſtes.
panvr. De par Dieu ſoit. Car mes
- ↑ Diſoit Heraclytus. Voyez ci-dessus, p. 205, la note sur la l. 33 de la p. 308.*
* Au quel diſoit Heraclite eſtre la verité cachee. Rabelais a dit de même (t. II, p. 172) : « On puiz tenebreux, onquel diſoit Heraclytus eſtre Verité cachée. » C’est d’ordinaire à Démocrite qu’on attribue ce mot : « Democritus quasi in puteo quodam sic alto ut fundus sit nuUus, veritatem jacere depressam ait. » (Cicéron, Académiques, V)