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Page:Rabelais marty-laveaux 03.djvu/43

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Comment nous fut monſtré Papegaut à grande
difficulté.


Chapitre VIII.


Le tiers iour continua en feſtins & meſmes banquets que les deux iours precedens. Auquel iour Pantagruel requeroit inſtamment veoir Papegaut : mais Aeditue reſpondit, qu’il ne le laiſſoit ainſi facilement veoir. Comment, diſt Pantagruel, a il l’armet de Pluton[1] en telle, l’anneau de Gyges es grifes, ou vn Chameleon en ſein pour ſe rendre inuiſible au monde ? Non, reſpondit Aeditue : mais il par nature eſt à veoir vn peu difficile. Ie donneray toutesfois ordre, que le puiſſiez veoir ſi faire ſe peut. Ce mot acheué nous laiſſa au lieu grignotans. Un quart d’heure apres retourné nous diſt Papegaut eſtre pour ceſte heure viſible : & nous mena en tapinois & ſilence droit en la cage en laquelle il eſtoit acroué accompagné de deux petits Cardingaux[2], & de ſix gros & gras Eueſgaux. Panurge curieuſement conſidera ſa forme, ſes geſtes, ſon maintien. Puis s’eſcria à haute voix diſant, en mal-an ſoit la beſte, il ſemble vne duppe. Parlez bas, dit Aeditue, de par Dieu, il a aureilles, comme ſage-

  1. L’armet de Pluton. Platon parle au livre X de sa République de cette propriété de l’armet de Pluton et de l’anneau de Gygès ; et Pline (liv. XXVIII, 8) indique, d’après Démocrite, la manière de se rendre invisible à l’aide de pastilles faites de la patte gauche d’un caméléon.
  2. Deux petits Cardingaux. Peut-être les « deux petits Cardinaux » dont il est question dans la lettre de Rabelais du 15 février 1536 (t. III, p. 365).