Page:Rabelais ou imitateur - Le Disciple de Pantagruel, éd. Lacroix 1875.djvu/34

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qui est une viande fort exquise : par ce moyen avoient iiz perdu les ances, et estoient tous demourez monnins et sans aureilles comme les cinges.

Au regard de moy, grâce à Dieu, j’en ay encor prés de la moytié d’une, qui m’est un gros et merveilleux honneur, car il appert par là que j’en ay eu aultresfoys, et que Dieu m’a faict et formé homme parfaict comme les aultres, et non pas sans aureilles ; il est bien vray que ce que j’en ay perdu, je l’ay perdu à quatre diverses foys. Car, quand je perdy la moytié de la gauche, ce fut pource que j’estoys trop songneux de me lever au matin pour aller ouyr les matines et la première messe qui se chantoient en l’église.

La seconde foys que je feuz reprins, et que je perdy l’aultre moytié, fut à cause quej’estoye trop friant de sermons, et que j’estoye tousjours devant la chaire du prédicateur, de quoy chascun me blasmoit fort.

La tierce foys, que perdy la moytié de l’aureille dextre fut pource que j’alloye trop souvent à confesse, et que j’y estoye trop embatant, dont je fus lourdement reprins et redargué par messieurs noz maistres, comme ilz ont accoustumé de faire en telz cas.

La quatriesme foys, que je perdy le bout de la demi-aureille dextre, fut à cause que le jour du vendredy de la saincte sepmaine, en allant addorer la vraye croys en la sainte chapelle à Paris, je mis en la bource d’un marchand qui ne me