Page:Rabelais ou imitateur - Le Disciple de Pantagruel, éd. Lacroix 1875.djvu/37

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si avant en terre qu’ilz parvindrent jusques au dos de la dicte baleine et la mordirent, par dessus l’eschine, si fort que, de la douleur qu’elle sentit, elle donna, de sa queue et de son baillay, si grand et si merveilleux coup contre l’eau qu’elle la fist sortir et saulter en l’æer plus d’une lieue hault, en sorte que nous, qui estions en ladicte forest, pour enquérir de ce quy y estoit, cuydasmes estres tous noyez.

Et pareillement tous ceulx que nous avions laissez en nostre nef pour la garder, de laquelle nous avions mis et attaché l’ancre à la dicte isle, en laquelle estoit la dicte forest, que nous pensions bien terre ferme et solide, laquelle ysle fut si fort esmeue et esbranslée du coup qu’en moins de vingt et quatre heures nous fusmes portez plus de cent mille lieues, à cause que ledict verrard et ladicte truye ne cessoyent point de mordre ladicte baleine.

Au moyen dequoy nous fusmes transportez es aultres pays d’Inde la majeur, et pareillement nostre nef et ceulx qui estoient dedans, lesquelz pensoient estre tous periz, et nous aussi, pource qu’elle alloit de telle impétuosité que, si elle eust rencontré en sa voye une demy-douzaine de petis enfans, elle les cust tous jectez sur le cul, et croy que, si vous y eussiez esté, que vous n’eussiez pas eu moindre peur que nous eusmes.

Je prie à Dieu qu’il vous veuille préserver d’ung tel péril. Je vous advertiz que les bonnes gens à qui estoient les porcz les perdirent tous ; parquoy