Page:Racan Tome I.djvu/278

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Fut grand par sa vertu plus que par son bonheur,

Aimé durant la paix et craint durant la guerre.

Quand les rois ont détruit avecque leur tonnerre
Le pouvoir des Titans, qui s’égaloit au leur,
Aux campagnes de Mars2 on a veu sa valeur
Peupler les monumens et deserter la terre.

Aprés tant de travaux et de faits genereux,
Son esprit est au ciel, parmy les bien-heureux,
Et ne peut desormais ny desirer ny craindre.

Passant, qui dans la France as son nom entendu,
En voyant son tombeau, garde-toi de le plaindre ;
Plains plutost le malheur de ceux qui l’ont perdu.


SUR LA MALADIE DE SA MAITRESSE.
Sonnet.

La fièvre de Philis tous les jours renouvelle,
Et l’on voit clairement que cette cruauté
Ne peut venir d’ailleurs que du Ciel, irrité
Que la terre possede une chose si belle.

Son visage n’a plus sa couleur naturelle,
Il n’a plus ces attraits ny cette majesté
Qui regnoit tellement sur nostre liberté
Qu’il sembloit que les cœurs n’étoient faits que pour elle.

Faut-il que cette ardeur consume nuit et jour
Celle qui d’autre feu que de celuy d’amour
Ne devoit point souffrir l’injuste violence ?


2. ——Aux scadrons ennemis l’on a veu sa valeur.

(Var. du Recueil de 1638.)