Page:Racan Tome I.djvu/279

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Ô dieux ! de qui le soin fait tout pour nostre bien,
Si mon affliction touche vostre clemence,
Ou donnez-lui mon mal, ou donnez-moy le sien.


AUTRE.

Un tel excez d’ennuis accable mon courage
Qu’il n’est point de raison pour mon soulagement
Quand je vois qu’Amaranthe endure incessamment
Tout ce que la douleur a de pointe et de rage.

Ses roses et ses lys, où mes vœux font hommage,
Paroissent dans son teint affligé de tourment,
Comme on voit en hyver reluire tristement
Les feux du point du jour au travers d’un nuage.

Dieux ! qu’avoit-elle fait pour souffrir la rigueur
De ce mal violent dont l’extrême longueur
Ravit à mes desirs tout espoir d’allegeance ?

Ô Juge souverain qui presidez sur nous !
Si de sa cruauté j’ay demandé vangeance,
—————Pourquoy m’exauciez-vous ?


SONNET.

Que tout cede au pouvoir de celle que j’adore !
Du seul feu de ses yeux le monde est animé ;
Il fait naistre les fleurs dont l’air est parfumé
Et meurit les moissons dont la terre se dore.

Dans ces tourmens passez dont je me plains encore,
Jamais de tant d’ardeurs je ne fus consumé,