Page:Racan Tome I.djvu/383

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de ma longueur : il y a assez longtemps que vous me connoissez pour sçavoir que la paresse est une maladie qui me dure depuis le berceau, et pour qui tous les médecins ont perdu leur latin. La passion que j’ay de faire quelque chose qui vous plaise est le seul remède qui m’en pouvoit guérir ; mais une considération plus forte me faisoit réserver cette ode1 à une autre saison, et si mon libraire n’en eust imprimé en mon absence sept ou huit stances estropiées, je ne me fusse jamais résolu à vous l’envoyer pendant que vous estes empesché à chastier ces misérables esclaves qui s’estoient révoltez contre leur maistre. Je sçay que ce seroit vous obliger à trop bon marché que de vous offrir du secours contre de si foibles ennemys, et ne veux point partager avecques vous l’honneur d’une si petite victoire. Certes, Monsieur, si les anciens se vantent d’avoir faict quelques actions de courage au delà des nostres, nous nous pouvons vanter d’avoir eu des exemples de témérité au delà mesme de leur imagination, et leurs fables qui nous rapportent que les géants avoient eu autrefois la hardiesse de s’attaquer aux dieux ne nous disent point que cette audace ayt jamais passé jusqu’aux nains et aux pygmées. Peut être que les qualitez qu’ils se donnent eux-mesmes de secrétaires de la lune leur font croire qu’ils doivent avoir quelque place dans le ciel ; mais ne les possédant pas à meilleur titre que le Herty2 faict celle de grand prévost di-


1. Voir la note de l’ode :

Doctes nymphes par qui nos vies. (P. 160.)

2. C’étoit un fou des premiers temps du XVIIe siècle,