Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/243

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pour qu’il fût exécuté, mais il ne laissait rien comprendre des mystères de sa conduite aux subalternes. Il renvoya Yvon avec un énorme bouquet rapporté de Biarritz où les camélias poussent en pleine terre.

Elle avait trop pleuré ! Et lui ? ne souffrait-il pas quand il songeait à ce serment inexorable ? Pourrait-il agir contre l’honneur et contre son repos ? Sortirait-on jamais de ce cercle infernal ? En supposant même que le banquier Soirès vint à mourir, pourrait-il l’épouser ?… Non !… mieux valait ne pas remuer tous ces souvenirs navrants !… D’ailleurs, Ce que Berthe aimait en lui c’était justement son courage et son mépris des choses de ce monde !… Il garderait l’amour de Berthe, il lui était nécessaire comme la flatterie est nécessaire aux rois… Ces lettres adorables le plongeaient dans des extases qui l’énervaient et le consolaient. Il en jouissait comme on jouit d’une musique d’église entendue derrière la sombre majesté de l’orgue. Peu lui importait de voir l’exécutant puisque l’exécutant lui appartenait corps et cœur. Elle était morte et elle avait voulu mourir !

Il ne devenait pas bourreau parce qu’il embellissait sa tombe et qu’il veillait de loin ou de près à ce que sa mort fût douce !…

Il n’irait certainement pas, lui, trouver ce mari en deuil pour lui dire : — Tuez-moi… j’ai sauvé votre femme !

Le comte ouvrit sa fenêtre, celle qui donnait sur