Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/82

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cela lui avait paru gentil, ainsi pâmée au milieu des fleurs d’oranger, la tête perdue, se sentant emportée au grand trot de deux superbes chevaux qui devenaient les siens !… Quant à Soirès, son illusion fut complète… il crut à un enlèvement…

Ils eurent le voyage en Italie, les réceptions brillantes à leur retour, les courses au Bois selon les règles de l’étiquette, les premières applaudies, les grands dîners ennuyeux. Durant trois ans, Berthe se plongea dans un océan de luxe, et les mondaines la prirent en grippe, car elles comprenaient, ces expérimentées, que ses jours de fêtes devaient être suivis de nuits pleines de volupté. Le banquier ne donnait plus de soupers aux actrices, n’allait plus chez Mme de Louelle, ne s’inquiétait plus des sourires provocateurs ; il aimait Berthe, et Berthe apprenait à être coquette…

Un souci se glissa jusqu’au cerveau de l’enfant devenue femme.

— Jean, demanda-t-elle, un matin, sautant de son lit sur les genoux de son mari qui expédiait, assis à son chevet, quelques affaires urgentes. Pourquoi n’ai-je pas un joli bébé comme madame de Flaville ? Elle a fait acheter un berceau garni de point de Flandre. Sa layette est une merveille !…

Jean demeura bouche béante. Toutes les mêmes, ces petites femmes ! Il faut que leur curiosité aille partout ! Cette poupée de Sèvres qui se mêlait d’avoir une envie de matrone !

— Berthe, dit-il, tu vas prendre froid. Tu es