Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Tu me dédaigneras toujours… je ne suis donc pas assez jolie pour toi, mon frère ?

L’abbé se ploya jusqu’à ses lèvres offertes.

— Je souffre le martyre sans me plaindre, démon ; j’ai déjà commis le péché d’intention, et ne veux pas devenir votre proie. Ma sœur chérie, relevez-vous !

— Allons n’importe où, mon frère adoré, au fond d’un couvent, nous nous aimerons… et nous ferons pénitence après… Dis !… j’accepte la responsabilité de ta faute ! Je veux…

— Ma sœur ! Ma sœur !

Il répéta ce mot douloureusement, la contemplant avec une ivresse qui le paralysait, et elle se jeta dans ses bras, ne se doutant guère qu’à cette minute suprême, plus dépravé encore qu’elle, la fervente du corps, lui, le fervent de l’âme, rêvait d’un inceste.

Ils demeurèrent une seconde enlacés ; Laure se fondait tout entière sur sa bouche, comme un fruit s’écrasant. Des odeurs de roses dans les cheveux, et au bout des doigts, elle l’entourait d’un vertige extraordinaire, le poussait à un abîme qu’il devinait frais et sombre, tout pareil aux frondaisons luxueuses d’un grand parc. Des sentiers sablés d’or se roulaient en spirales devant lui ; des bras nus, une forêt de bras nus, se nouaient à son cou ; il était caressé par une tresse de cheveux noirs flottants qui prenait la dimension d’une fumée d’incendie, et il ne pourrait plus s’échapper, car une mutine voix d’enfant lui criait :