Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/149

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cher enfant !… Les assassins !… Ils m’ont tué mon fils !… et je les tuerai aussi… Oui, tous ! le père, la mère, la fille… Oh ! gueuse ! gueuse, je te tuerai !…

Ses cris aigus retentirent jusqu’au fond de la nef, les nimbes des saints frémirent, les ailes des anges vibrèrent, et la statue de la Vierge, au milieu d’une auréole d’étoiles, prit un aspect plus morne, plus résigné.

— Du courage, soufflait le prêtre, crispant sa main sur cette épaule dure comme un membre de bois. Il faut prier, madame.

— Non, là, j’en ai assez, hurla madame Séchard, saisie d’une rage aveugle, j’en ai assez ! je veux le revoir… Ne me tourmentez pas, monsieur le curé ; c’est mon fils, et puis (elle acheva sa phrase dans une explosion de sanglots), et puis, je veux qu’on me le rende habillé, qu’on ne lui ôte rien ; s’il s’est tué avec de l’argent sur lui, je veux le retrouver, cet argent… pour leur faire un procès, m’entendez-vous ! Oui, je les traînerai jusqu’au tribunal, c’est mon idée… Laissez-moi tranquille !

Elle s’élança, folle, brandissant un parapluie de coton brun, et bientôt elle eut quitté l’église, battant les murailles comme une femme ivre. Au dehors, les clameurs s’augmentèrent de sa voix aiguë, qui répétait : La gueuse ! la gueuse ! Je la tuerai !…

Droite sur le seuil de la sacristie, la gueuse était là, très pâle, la queue de ses cheveux ramenée en