Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

presque jaune sous le cou, presque brune sur le dos, et il s’annelait de cercles de velours noirs. Le pinceau des génies de Memphis, contemporains, sans doute, de sa première incarnation dans une idole, avait tiré, de ses yeux à ses oreilles, une série de lignes hiéroglyphiques signifiant tantôt la colère lorsqu’elles se plissaient, tantôt la douceur lorsqu’elles s’épanouissaient en une roue dont la prunelle devenait le moyeu de topaze, d’émeraude ou de saphir. La moustache fleurissait blanche, de pédoncules noirs, une moustache de conquérant. Tout encore duveté du poil de la prime jeunesse, on devinait qu’il ne tarderait point à foncer, aurait les pattes moins blanches, les ongles bruns, le nez et les lèvres rousses, peut-être la gueule tachetée comme la gueule du léopard. En tous les cas, ce serait une terrible bête, un superbe chat qui méritait bien le surnom de Lion que Laure lui décernait… Et, en attendant des époques plus glorieuses, il faisait de petits bonds, jouait avec un papillon de papier que la jeune femme, toujours à quatre pattes devant lui, agitait dans la brise d’un éventail. Elle ne se lassait pas de le suivre, alternant les papillons avec les miettes de gâteaux, les gouttes de lait ; et, quand il se fatiguait, elle l’endormait sur son coussin, sur sa robe, ne bougeant plus, écoutant le bruit faible du ronron qu’il s’étudiait à moudre ; puis, glissant la joue contre le tapis, allongée dans une posture de morte, elle épiait son réveil