Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour se tenir prête à recommencer les jeux.

L’appartement qu’elle occupait était merveilleusement disposé pour servir de nid à deux créatures libertines, paresseuses comme cette femme et ce chat. L’ancien atelier de photographe se drapait de tous les côtés de stores de crêpe de Chine, d’une nuance pâle, couleur cocon de vers à soie, ni bien jaune, ni bien blanche, tournant aux tons de nacre en quelques endroits trop passés, avec un reflet séduisant d’aile de cygne. Par économie, Henri, l’homme raisonnable, avait mis Laure dans des meubles achetés salle Drouot, son métier de clerc de notaire lui fournissant, du reste, d’excellentes surprises au milieu des ventes judiciaires, mais il n’avait rien choisi lui-même. Le jeune homme, positif, aimait les choses neuves, solides, les couleurs ordinaires réputées pour leur bon teint.

Laure préférait la douceur du toucher à l’éclat des teintes, ne s’informant jamais de la mode, et elle avait eu le caprice de ces soieries ivoirines semblables aux flocons chatoyants que l’on rencontre sur les mousses, dans les bois. Un ressort et un ruban permettaient de relever tous les stores d’un seul geste. Alors la cage vitrée resplendissait de lumière. On se trouvait suspendu en plein ciel, inondé de soleil, les jours de beau temps, comme à travers un lac, les jours de pluie, sans voisin, sans gêneur, dominant les maussades maisons de la rue et les lointains fumeux de la ville, transporté tout à coup en un coin de nature.