Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Un tapis de laine unie revêtait le plancher. À droite, derrière des rideaux de même étoffe que les stores, s’étendait un lit capitonné de satin vieil or, couvert d’une nappe de vraie loutre et d’oreillers de satin blanc timbrés d’un diadème inconnu. À gauche, une glace penchée reflétait le lit, et aux deux extrémités de la pièce les deux couches somptueuses, la réelle et la fictive, vous provoquaient mollement, d’un air de muette résignation. Tout le long de l’atelier se dispersaient des coussins variés, les uns s’empilant jusqu’à la hauteur d’un siège, les autres semés selon les hasards des jeux du chat.

Laure avait enfin réalisé son rêve de cloître uniquement pavé de coussins de velours, elle s’était érigé son temple, elle avait son autel… moins le fervent de sa beauté, car, hélas ! celui qui officiait là n’aimait pas cette apothéose d’une brune, qu’il appelait très banalement : la chambrée jaune. Autour de la chambrée jaune on ne voyait ni bibelots, ni statuettes, ni tableautins, ni piano, Laure ne s’occupant ni de fanfreluches, ni d’art. Quand elle désirait se procurer un spectacle intéressant, elle tirait ses stores et contemplait le ciel. Quelquefois, renversant la tête, elle regardait le plafond, se souvenant de ses curiosités de jadis pour les bizarres verroteries, leur plafond qui s’irisait de lueurs opalines comme un cristal phosphorescent. Le vestibule de l’atelier, une espèce de petit salon, était réservé à Henri, et le jeune homme l’avait