Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/189

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pas ? Calme-toi ! D’ailleurs, si tu te moques des convenances mondaines, moi je te déclare que cela me déplaît de coucher avec la fille d’une femme qui est morte la semaine dernière…

Laure avait ouvert les yeux. Elle se pencha, parce que le petit chat demandait sa pâtée.

— L’amour est éternel comme la faim… dit-elle, se parlant à elle-même ; allons, mimi, nous ne serons plus que nous deux !

Elle courut jusqu’au placard où elle mettait les friandises de son favori, et elle fit semblant de chercher une tasse de lait qu’elle ne trouvait plus. Des larmes tombèrent peut être dans ce lait, mais Henri ne s’en aperçut pas, et Lion les but tout seul, goulûment, s’enfiellant de leur amertume.

Cette fugue n’était, du reste, qu’un essai, il voulait la forcer à demeurer un mois en tête-à-tête avec ses sens de chatte folle, et pensait qu’à ce régime elle se lancerait bien vile au cou du premier type vicieux qu’elle rencontrerait sur un boulevard. Laure devait finir dans la peau d’une catin de bas étage, car elle ne savait ni être chic, ni être honnête, et, malgré sa beauté qu’il appréciait volontiers, à ses instants de trouble suivant les dîners délicats, il se disait qu’elle ferait une pitoyable courtisane, dépensant trop corporellement et ne sachant pas provoquer les dépenses budgétaires. Pas d’organisation, pas de méthode ; une fougue éreintante, et quel oubli des lois sociales !…

Il alluma un cigare.