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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/190

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— Tu m’écriras poste restante, ma mignonne. Tâche de ne rien gâter chez moi, c’est déjà trop que ce sacré curé connaisse ton adresse. En province, un vieux scandale est bien vite rajeuni, et l’enterrement de ta mère a dû renouveler des histoires…

— Je ne t’écrirai pas !

— Pourquoi ! je voulais te lire, moi, ça m’aurait amusé…

— Du papier à la place de ta peau ou de la mienne, à quoi bon !

— Laure, tu boudes.

Elle sourit.

Laure, soumise comme une placide servante, fit sa malle, tira les chemises des armoires et plia les vêtements, recousant un bouton, vérifiant la fraîcheur des cravates, frottant les ustensiles de vermeil du nécessaire de toilette, ajoutant, par une attention discrète, des pastilles à la menthe dans un petit coin du sac.

— Tu aurais soigné ton mari, toi, dit Henri lui caressant les cheveux !

— J’étais née pour être ta femme ! répliqua-t-elle tristement.

— Hum !… tu exagères un peu, ma pauvre mignonne.

— Si tu m’avais pardonnée, mais les honnêtes gens sont plus bêtes que les bêtes.

Il la contempla, cherchant le sens de ses paroles, et prit le parti de rire.