Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Tu es impayable, déclara-t-il.

Et, lambeau à lambeau, le cœur de Laure se déchirait dans la banalité polie du départ pour un mois, qui serait, dût-il lui revenir plus aimant, le départ éternel…

Pour jeter leur chienne à l’eau, des individus bien nés tiennent à ce qu’elle soit galeuse ; Laure, en bête bien élevée, trouverait le moyen d’attraper la gale.

Henri pensait :

— Quand on se fiche de la mort ainsi on est bien capable de vitrioler son amant. Il faudra que je joue serré pour une rupture définitive. J’aurais dû empêcher cette liaison de tourner au collage.

Laure guettait les suprêmes caresses des adieux, les yeux brillants fixés sur cette silhouette d’homme qui allait s’effacer de sa vie, peut-être de son cœur. Pour elle, rien n’existait que le présent. Que lui importaient les promesses d’avenir, les bonheurs passés ? Tant qu’elle le pourrait frôler du bout des doigts, elle sentait qu’un amour sincère l’élevait au-dessus des femmes tarées ; demain, elle tomberait plus profondément dans l’oubli d’elle et de lui, dans l’oubli de tout ce qui faisait la noblesse de ses passions depuis qu’elle aimait. Elle l’accompagna chez lui portant le sac de voyage.

La chambre de la rue Racine était banale, meublée sobrement comme une chambre d’étudiant. Déjà leur amour n’avait plus ses coudées franches, et ils se trouvaient chez eux comme des