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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/206

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nité complaisante, prenait des allures d’enfant, devenait humain, tandis que la jeune fille, plus bestiale à se frotter contre cette fourrure de bête, devenait féline, éprouvait des besoins de griffer, de hurler ses peines dans un miaulement de passion et d’angoisse. Fatigué, Lion s’endormit, et, une fois tranquille au sujet du bébé, la mère gravit comme une véritable chatte l’échelle qui conduisait sur le toit, à la grande nuit pleine d’étoiles. Laure, pour cette escapade, avait lustré sa chevelure, mis un peignoir de satin rouge, chaussé des mules de velours, et cependant elle se doutait bien que les toitures ne lui fourniraient pas d’autres galants que les matous rôdeurs. Sur le cristal dépoli, elle s’étendit, satisfaite, l’œil au guet, le corps frémissant, vaguement heureuse d’une promesse de volupté qu’elle flairait dans la brise. Une lune un peu folle semblait chassée par le vent d’automne, et la ronde feuille sèche, la feuille morte jaune d’or tourbillonnait sous des nuages roux en compagnie d’étoiles scintillantes comme de blanches immortelles. Ce n’était plus le printemps avec ses larmes de sèves et ses parures de jeune épousée, sa lune énorme, savoureuse aux regards comme du miel, mais en cette atmosphère troublée les désirs vains s’aiguisaient plus vite, battus à coups de fouet, et la lueur fuyante de l’astre avait l’air de vous crier : « Dépêchez-vous, je sais qu’il va faire froid. » Des panaches de fumée se tordaient autour des cheminées, couvrant les clartés de