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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/218

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au demeurant, très vulgaire, un langage d’homme payant pour être bien servi, et ce fut sans enthousiasme qu’elle lui laissa froisser son peignoir.

Le soir, ils dînèrent dehors, burent des vins fins, se disputèrent au dessert, eurent des mots blessants, se traitèrent de niais réciproquement, puis se couchèrent de bonne heure avec la fièvre : Henri, tout de suite apaisé, s’endormit vers minuit, et Laure, selon la coutume (de retour, elle aussi), veilla, le front levé dans la direction des toitures, écoutant les miaulements nerveux des matous.

Le lendemain, Henri se rendit à son étude, le portefeuille sous le bras, fredonnant comme un garçon jovial qui a joué une excellente partie de cartes. Il avait gagné la paix. La petite chatte était tout à fait calmée, ses ongles ne sortaient plus de dessous le velours. Point de scènes de tendresse exagérée, point de reproches trop vifs, et point de désespoir dramatique. Elle était fidèle comme un roc, oui, mais on la pousserait tout doucement au ruisseau consolateur. Elle était mûre pour une chute et il aurait la gloire de rompre le premier, ce qu’un homme bien stylé ne manque jamais de faire quand il le peut ou qu’on lui en donne le temps. Là-bas, le papa s’occupait de son avenir entre deux chasses au chien d’arrêt. On lui avait présenté une pensionnaire qui ne manquait pas de rondeurs. La fille d’un capitaine de gendarmerie. Une exquise enfant de dix-huit ans, un peu simplette, un peu gauche, et pourtant pleine de saveur