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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/221

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chait encore à Henri. Elle n’avait aimé sincèrement que cet homme-là, et si elle s’en allait avant l’heure désignée elle regretterait peut-être ce semblant d’amour qui se mourait entre eux et conservait un parfum de tendresse permise, comme un vieux bouquet de roses conserve encore un bouton mal éclos voulant fleurir quand même, en dépit de la pourriture de sa tige.

L’hiver ils reçurent quelques amis amenés au sortir de l’étude et donnèrent des petits thés intimes. Henri, désirant introduire le loup dans sa bergerie, força la jeune femme à être gentille pour ces messieurs les clercs, fils de famille du même bois que lui. Il y en avait trois venant à tour de rôle, tous les trois personnages d’une tenue irréprochable. L’un d’eux, Julien Landry, un sanguin à figure de bouledogue, s’éprit tout de suite de la miraculeuse chevelure de Laure et il mit un soin extraordinaire à étaler des sentiments en rapport avec sa fortune. Elle, devant ces hommes, demeurait muette, agissant d’une allure tranquille et n’ayant pas de préférence. Julien Landry, c’était en foncé ce qu’Henri Alban était en clair, c’est-à-dire une aimable nullité, un estimable garçon capable de tout, y compris le viol de la maîtresse d’un de ses meilleurs amis, et elle le détestait d’instinct, attendant sa première sottise pour pouvoir le faire mettre à la porte.

— Tu les trouves amusants, toi ? disait-elle avec une moue significative.