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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/223

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cutait les projets de loi, et la causerie dégénérait en dispute avec Julien Landry, un intransigeant. Celui-ci tapait le guéridon à coups de poing, faisait sauter les flacons et les tasses, réveillait le chat qui dirigeait, de son côté, ses prunelles phosphorescentes. Alors la jeune femme laissait tomber une phrase d’un ton calme :

— Prenez garde, monsieur, vous allez faire peur à Lion.

Landry se taisait un instant, roulant ses gros yeux, fier d’avoir épouvanté l’animal, et ressaisissait ses esprits dans un rire goguenard.

— Oh ! les chats, mademoiselle, ça me connaît, et si vous voulez me confier le vôtre…

Un soir, le clerc arriva plus tôt que de coutume, sans être accompagné d’Henri. Laure hésitait à le recevoir, mais, par soumission vis-à-vis de son amant, elle le fit entrer, malgré ses inquiétudes. Le jeune lourdaud s’assit sur l’extrémité d’une chaise, bien plus embarrassé que Laure.

— Il fait froid, déclara-t-il, n’est-ce pas, mademoiselle ?

— Chauffez-vous, monsieur ! Et Henri ?

— Monsieur Alban est resté ce soir chez le patron pour une affaire à débrouiller ; nous avons dîné tous les deux, et il m’a envoyé, histoire de vous donner de la patience.

Laure ne répliqua rien. Il était évident que son amant ne la ménageait guère, et elle s’étonna de ne pas souffrir davantage de son mépris. Elle