Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/252

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neutres et les proportions normales de simples photographies. Elle se retrouvait dans son lit, feuilletant un album, mais, en voulant tourner les pages, elle eut un mouvement des bras qui la réveilla de nouveau. Elle tâcha de se souvenir d’une manière plus précise, et finit par se retracer toutes les scènes ayant eu lieu un mois auparavant ; elle se rappela son idée de vengeance, pleura. Elle n’était pas tombée du haut d’une toiture, mais seulement du haut de son amour.

— C’est ça, faut pleurer ! déclara la concierge qui promenait son plumeau à travers des fioles, sur un guéridon.

Lion, lui, vint cajoler sa maîtresse, pendant que la bonne femme ajoutait, avec la pitié cruelle des êtres inférieurs de l’espèce humaine :

— Pleurez, mademoiselle, vous retenez pas, ça fait du bien… Moi, quand j’étais jeune et que je me retenais, ça me donnait des saignements de nez.

— Il est parti pour toujours, n’est-ce pas ? murmura Laure s’accoudant sur ses oreillers pour caresser Lion dont les yeux tristes la contemplaient fixement.

— Ma foi, mademoiselle, on peut tout vous raconter à présent, je ne me mêle pas des affaires d’amour de mes locataires, mais je sais qu’il s’en est allé fâché, ça se voyait bien à son air… je vous assure, quoiqu’il n’ait rien dit.

Laure hocha la tête.