Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/288

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que le garçon lui-même, en dépit du long manteau loutre porté par toutes les petites chattes cette année-là, fut vexé de l’avoir brutalisée.

— Il y a de ces femmes du monde qui ressemblent tant à des roulures, n’est-ce pas, monsieur ? déclara-t-il à un familier suçant la paille d’un soda.

Laure erra sur le boulevard, l’âme affreusement tourmentée, se demandant comment elle ferait pour s’asseoir, déjà si lasse. Elle songeait à se coucher en travers de la voie publique, à leur crier :

— Prenez-moi, passez-moi tous sur le corps, les hommes et les chevaux, j’en ai assez avant d’avoir commencé !…

Lorsqu’elle regarda une horloge, elle vit qu’il était tard ; ce printemps mouillé devait effrayer Les riches noctambules, et les caprices des viveurs blasés ne résistaient sans doute pas à la fraîcheur de l’air, les soirs de besoins amoureux. Et puis, les hommes avaient mille autres occasions dans des endroits qui lui étaient interdits. Cinquante sous ! Si elle rentrait ? Mais, demain, il faudrait manger, boire, écouter la concierge faisant des représentations sur l’état de la moralité d’une personne qui reçoit des souteneurs et ne sait pas être soutenue… Enfin, rentrer sans un homme, alors qu’elle avait formellement décidé de se vendre, était presque une honte, un affront ! Elle voulait un homme et elle chasserait son gibier bravement jusqu’au petit