Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/297

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toute au plaisir de respirer, libre encore de sa personne, convaincue qu’elle pourrait se tirer de cette aventure quand elle en témoignerait le désir. Près du lac, une éclaircie du ciel leur permit de se voir et Laure lui sourit, ouvrit la bouche pour parler, la referma, ne trouvant rien à dire.

— À la bonne heure ! dit-il, souriant aussi, vous renoncez à me conter une histoire vraie qui serait peut-être un mensonge. D’ailleurs, le silence vous vu bien, vous êtes très jolie, madame, et vous avez dû effaroucher pas mal de gens durant votre existence. Vous avez des yeux d’Égyptienne !

— Je ne suis pas une Madame ! soupira Laure tout bas.

— Et vous n’êtes pas une demoiselle, non plus !

Il fit arrêter, descendit en lui offrant la main d’un geste si bon que la jeune femme eut absolument confiance. Elle lui laissa sa main et ils se promenèrent côte à côte.

— N’est-ce pas que vous aimez, après l’eau pure, les grands arbres et les nuits d’étoiles, les chaudes nuits de l’été où l’on se pâme quand une brise vous touche ! murmura-t-il, comme continuant une conversation depuis longtemps entamée.

Elle répondit, toute vibrante :

— Oui, monsieur.

— Et l’hiver, vous aimeriez les fourrures moelleuses, profondes, où l’on peut s’étendre pour ne rien voir, ne rien dire, en étouffant des bâillements de paresse.