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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/299

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Elle Jeta ces mots avec simplicité, sans aucune coquetterie, persuadée qu’il saurait bien.

— Vous avez vingt-trois ans, un peu plus, et vous n’êtes pas Parisienne, hein ?

Elle frappa dans ses mains.

— Juste !…

Ils s’assirent sur un rocher, dans la montée de la cascade, et il l’attira contre lui d’un mouvement lent qui prenait possession. Il la tint sous son regard, lui lissant sa natte, les doigts agités d’un frisson. Là, au milieu du clair-obscur de cette nuit tiède, dont le vent humide caressait la joue comme une lèvre, entre le bruit sourd de l’eau rejaillissant sur le lac et la vague lueur des étoiles perçant la brume, lueur endeuillée de crêpe, ils se mesurèrent des yeux. Laure étouffait. Elle écarta son manteau, et le salin blanc de la doublure apparut d’une lividité de linceul autour de la silhouette sombre de la femme que pas un joyau n’illuminait.

— Tu es pauvre ! fit-il, de son ton net qui tranchait.

— Oui, c’est-à-dire non… j’ai un lit ! balbutia Laure baissant les paupières.

— As-tu mangé ?

— Pas beaucoup depuis deux jours. Mais je pouvais vendre ce manteau, j’ai eu tort d’hésiter, monsieur.

— Je ne t’accuse pas… puisque tu le conservais pour venir me trouver.