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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/300

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Elle fut saisie d’une frayeur superstitieuse. Elle eut l’idée absurde que cet inconnu la tuerait. On racontait que souvent des hommes à passions sinistres pénétraient chez les filles dans l’espoir d’une sanglante orgie. Et elle ne se soustrairait plus à la fascination qu’il exerçait déjà sur elle, car elle se sentait disposée à le suivre n’importe où.

— Ton amant, tes amants t’ont abandonnée ?

— Oui, celui que j’aimais ne m’aimait pas ; les autres, je leur ai fait du chagrin. Ils prétendaient que j’étais très méchante.

— Naturellement !

Hypnotisée, semblait-il, par cet homme bizarre, elle répondait avec le son de voix peureux et soumis qu’émettent les somnambules.

— Si je désirais quelque chose, me l’accorderais-tu ?

— Oh ! monsieur ! (et elle joignit les mains) je ferais tout pour vous plaire ! Seulement…

Elle s’arrêta, prête à lui dire : seulement ne me demandez pas de me prostituer maintenant… ce serait horrible !

— Embrasse-moi !

Et dans cet ordre il y avait une tendresse, une pitié comme s’il avait essayé de tenter un petit enfant.

Elle s’éloigna de lui.

— Je ne peux pas, dit-elle, effrayée de nouveau, se révoltant.