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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/306

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— Je sais que c’est fini et je suis sûre que je vous aime.

Elle appuya sa tête contre le cœur bouleversé de cet homme qui lui embrassait les mains, et, dans un anéantissement délicieux de tout son être, elle murmura :

— Ne voudriez-vous même pas de moi pour votre servante ?

— Oh ! tais-toi donc ! Allons ! nous serions bien sots de nous séparer, puisque nous nous retrouvons. Dis-moi, ma chérie, me suivrais-tu au diable si je voulais t’emporter ? Je suis obligé de partir pour un vilain pays brûlant où rugissent tes sœurs, les lionnes ! Te déplairait-il d’aller en Afrique avec moi ?

— Dans un désert, avec vous ?… avec toi !… ce serait un rêve trop charmant, et je ne suis plus digne d’aucun amour.

— Tu es libre, absolument libre, n’est-ce pas ?

— Oui, mais vous le regretterez !… Nous sommes très loin l’un de l’autre, je le devine bien, et je suis une fille si mal élevée.

Elle avait souri, elle avait parlé, puis elle pleurait de joie, l’enveloppant de ses bras blancs, duvetés d’un soyeux duvet brun comme d’une ombre de fourrure.

— Je t’adore ! fit-il, vaincu, s’agenouillant devant le grand lit de courtisane tout doré, tout chatoyant, et pourtant si pauvre dans son élégance de princesse des rues.