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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/307

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— Je vous remercie ! répondit Laure enivrée. Il ne faut pas que je meure… Non, non ! je ne veux pas mourir…

Elle passa un peignoir, se faisant chaste, ne voulant plus lui montrer son corps où il avait, cette nuit-là, glissé une âme. Elle courut chercher les deux clés de son appartement.

— Voici ! dit-elle simplement, je te donne ma liberté tout entière !…

Et elle ajouta, comme malgré elle :

— Avec ma vie, si tu en avais jamais besoin.

— J’accepte ! je reviendrai dans la journée te prendre pour faire nos préparatifs de départ. Je veux que nous soyons en route dès ce soir, ma chérie, l’air est trop lourd à Paris… On dirait qu’on y respire de la boue !… Quand je te délivrerai, ma belle toquée, il faudra que je te retrouve toute prête, et je te défends de rien emporter… tu m’entends ! Laisse ces choses, avec tes souvenirs au fond de l’abîme. Nous nous dirigeons vers un ciel resplendissant qui te refera une auréole d’amoureuse pure. Je suis jaloux, je t’en préviens ; ne m’explique pas le passé, ne me rappelle pas que tu as eu froid, faim, et que tu as mendié de la volupté. Je sais ton histoire mieux que toi-même.

— Nous devions nous aimer, dis ? Je m’imagine, moi, te connaître depuis que je suis au monde.

Laure, le front sur son épaule, ne pouvait se décider à le voir sortir. Lui s’attardait, assis au rebord du lit, la pressant dans ses bras, respirant